Madame,

Je me permets de réagir suite à votre interview sur la mixité en entreprise, disponible sur Cd Média et sur internet à l’adresse suivante :
http://www.eveprogramme.com/27353/veritable-esprit-dequipe-se-revele-diversite/

Je suis atterrée par certains de vos propos et j’ose espérer que c’est une erreur de retranscription de la journaliste ou une maladresse de langage.

De par votre parcours et votre position, vous savez que le travail restant à faire pour promouvoir la mixité est colossal.
Lorsqu’une femme telle que vous, qui plus est membre du comité de Direction de la Caisse des Dépôts, tient les propos suivants :

« J’ai pris conscience rapidement avec l’arrivée de mes enfants qu’un conjoint compréhensif et une bonne nounou font partie des clés d’une réussite équilibrée. »

Je ne peux alors qu’être très inquiète pour l’avenir et les jeunes générations.

Si la réussite professionnelle d’une femme reposait sur ces deux critères, alors nous avons oublié de définir dans l’accord égalité professionnelle homme-femme un conseil matrimonial et l’aide au recrutement d’une nounou, éléments clés selon vous de la réussite professionnelle des femmes ! Comment voulez-vous que les femmes réussissent lorsqu’une femme véhicule de tels propos qui entretiennent les stéréotypes ? Une femme célibataire ne peut pas réussir professionnellement ? Avez-vous conscience que vos propos renvoient une image péjorative et de dépendance de la femme vis à vis de son conjoint ? Est-il vraiment impossible pour une femme d’accéder à des postes de management sans le soutien d’un conjoint ? La réponse est non, je peux vous l’affirmer.

Votre discours insiste sur la parentalité et ces propos sont inadmissibles.

Je cite la suite :

« Il y a une attention toute particulière à porter aux mères au moment de l’arrivée du premier enfant. Le décrochage peut se faire à ce moment-là, quand les bouleversements personnels et une foule de problématiques d’organisation surgissent. »

Je vous le demande, Madame, les hommes ne sont-ils pas concernés par une naissance ?
Quel décrochage évoquez-vous ?! De quels bouleversements personnels et quelles problématiques d’organisation parlez-vous ? En effet, il y a des bouleversements d’ordre biologique ou affectif mais nous savons toutes et tous y faire face ! Femme OU homme. Nous savons anticiper, nous savons nous organiser de manière à ne pas perturber notre implication au travail. Nombreux sont les hommes qui pensent que nous perdons des neurones suite à un accouchement, que nous sommes plus fatiguées, moins disponibles, alors je vous en prie, réfléchissez avant de vous exprimer dans une interview publique.

Puisque vous ramenez tout à la parentalité, devenir parent, n’est-ce pas une force supplémentaire ? En effet, cela entraîne plus de responsabilités, plus de patience et demande une maturité accrue. C’est un challenge organisationnel à relever.

Les discriminations à l’embauche sont nombreuses à la Caisse des dépôts. Vous savez que lors des entretiens d’embauche à l’Etablissement public, il est demandé aux femmes qui ont déjà un enfant si elles veulent en avoir d’autres. Vous savez qu’on leur affirme qu’elles seront absentes dès que leur enfant sera malade, que nous devons nous justifier à ce sujet et que cela est un frein à l’embauche.

Alors, je vous en prie, Madame, ne réduisez pas la réussite professionnelle d’une femme à un conjoint compréhensif et une bonne nounou.

Vos propos sont dangereux. Ils cantonnent les femmes à des rôles de mères et conditionnent la réussite de la femme aux qualités de leur mari et des gens qui les entourent et non pas à leurs qualités propres. Par là-même, vos propos déresponsabilisent complètement les hommes par rapport à la parentalité.

Enfin, accessoirement, sachez, Madame, que ces propos sont d’un autre siècle.

Je vous prier d’agréer, Madame, l’expression de mes meilleures salutations.

Paris, le 31 mars 2017

Salomé VAILLANT – Secrétaire générale adjointe