Une tribune publiée dans Libération signée par Luc Farré, Secrétaire Général de l’UNSA Fonction Publique, publiée par Libération sur le projet de loi de transformation de la Fonction publique du gouvernement.


Le gouvernement a décidé, contre l’avis unanime des organisations syndicales représentatives, de maintenir un projet de loi pour «transformer la Fonction publique». Il aura réussi à tenir une cinquantaine de réunions dites de concertation avec les représentants des personnels sans les écouter. En effet le contenu de son texte, dévoilé le 13 février, n’a pas bougé par rapport à son projet initial.

Mais peut-être pourrait-on passer sur la forme s’il s’agissait de répondre à nos concitoyens qui, se sentant abandonnés par la puissance publique, ont fait remonter, dans le «Grand débat national», leur ras-le-bol d’être démunis des services publics pour lesquels ils paient l’impôt ? Vous n’y êtes pas. Ce projet de loi, censé «refonder le contrat social avec les agents publics», emporte une restriction des droits des agents et vise une contraction de la Fonction publique. Les 120 000 suppressions annoncées de postes en sont l’expression.

En fait de «refondation», ce projet acte plutôt, pour l’Union Nationale des Syndicats Autonomes (UNSA), une rupture du contrat social car les conditions de recrutement, d’emploi et de carrière seront bouleversées sous prétexte de «modernisation». Modernisation ? Pourtant, la Fonction publique, depuis qu’elle existe, n’a cessé de s’adapter aux évolutions sociétales. Trente-cinq réformes précèdent ce projet !

Dégradation du service

En vérité, le gouvernement fait des choix idéologiques. Il stipule qu’en transposant des dispositifs issus du secteur privé dans la Fonction publique, celle-ci va s’améliorer. Rien n’est moins sûr car l’infléchissement des droits des agents et l’externalisation des missions de service public peuvent conduire à la dégradation du service rendu aux usagers.

On peut ainsi s’interroger sur la pertinence d’importer la rupture conventionnelle dans la Fonction publique comme le fait le projet de loi. L’organiser pour des contractuels et des fonctionnaires sans mettre en place de garanties est un danger. D’autant que cette mesure pourrait aggraver le harcèlement dans la Fonction publique.

Car qui protégera l’agent en cas de refus de quitter la fonction publique sur pression de son employeur ? La justice administrative ? Elle a des délais très longs, peu compatibles avec la réalité des situations. L’Union Nationale des Syndicats Autonomes (UNSA) propose au moins la mise en place d’un conseiller syndical pour accompagner l’agent tout au long de ce périlleux processus.

Oui, la question de la mobilité dans et hors de la Fonction publique mériterait d’être traitée. L’amélioration de la formation continue et la mise en place de soutiens seraient des pistes bien plus fructueuses : voilà qui serait une véritable modernisation de la Fonction publique.

Effets pervers

Autre forme, prévue par le projet de loi, de rupture du contrat social qui lie l’agent à son employeur public : obliger un agent public à suivre son poste en cas de privatisation, sans lui laisser le choix de rester dans la Fonction publique.

Je ne connais pas d’entreprises privées philanthropiques. La rentabilité économique et la défense des intérêts particuliers les régissent. Pourquoi ne pas laisser le droit d’option à des agents publics qui, initialement, avaient choisi professionnellement le service de l’intérêt général et de tous les usagers ? Je m’interroge toujours : en quoi remettre en cause les instances représentatives des personnels et affaiblir la protection des agents est-il «moderne» ?

Pourtant, le gouvernement veut supprimer les Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail en les fusionnant avec les Comités techniques pour créer une instance unique de dialogue social. Cela voudrait dire que, demain, l’impact des restructurations sur la santé des agents ne serait plus évalué dans une instance spécialisée.

C’est un «copier-coller» de ce qu’il a fait dans le secteur privé avec les ordonnances travail alors même que les premières évaluations des effets de ces dernières en soulignent les effets pervers.

Opacité

Or le projet de loi ne s’arrête pas là. Vous êtes-vous interrogé-e sur ce qui permet cette prouesse qui s’appelle la continuité du service sur l’ensemble du territoire ? Elle aboutit, par exemple, à ce qu’à chaque rentrée scolaire il y ait bien partout un enseignant face à une classe ou encore que, dans tout commissariat de quartier, vous trouviez des policiers en poste ? Elle est liée à un dispositif rodé qui répond aux aspirations des agents et à l’intérêt du service public : les Commissions Administratives Paritaires (CAP).

Actuellement, ces commissions sont consultées sur de nombreux actes de la vie professionnelle des agents. Elles garantissent l’équité des réponses apportées à chacun ou encore leur indépendance en les protégeant des pressions. Le gouvernement souhaite leur retirer leurs compétences, privant ainsi les agents publics de transparence, d’équité et de protection face à l’arbitraire. Le projet de loi va opacifier la gestion des personnels, tout en prenant le risque de rompre la continuité du service sur le territoire et de désorganiser les services publics.

L’UNSA s’oppose donc au contenu de ce projet de loi et veut agir pour que le gouvernement le revoie, s’investisse dans un véritable dialogue social en négociant avec la volonté d’aboutir, comme il a su le faire sur l’égalité professionnelle dans la Fonction publique.

Luc Farré – Secrétaire Général de l’UNSA Fonction publi­que